Double champion du monde par équipes, quatre fois champion de France, vainqueur de plusieurs Grands Prix et Coupes des Nations, il n’est plus à présenter. Toujours en première ligne, cavalier à transformation biberonné à la performance, il est un électron libre dans le champ contemporain. Il est le trait d’union entre la rigueur et la passion. Aujourd’hui, extraits de bavardage avec Gilles Bertran de Balanda, qui expérimente la première saison de la Balanda Equestrian Academy.

« Je veux aider les cavaliers à se perfectionner, transmettre les valeurs du travail car la réussite ce n’est pas seulement du hasard et de la chance. »

Le cavalier bleu : Pouvez-vous nous présenter la Balanda Equestrian Academy ?

Gilles Bertran de Balanda : C’est la première académie équestre de haut niveau en France. Tous les jours, l’équipe de l’académie travaille avec les élèves afin de les amener au plus haut niveau. Plus qu’un travail, nous proposons un accompagnement et la construction d’un avenir basé sur une relation de confiance. En parallèle, les élèves peuvent aussi suivre un enseignement scolaire au sein d’une école.

Comment ce projet s’est-il mis en place ?

J’ai été contacté par l’école, IBS International Bilingual School à Aix-en-Provence. C’est une école réputée, avec de très bons résultats scolaires. Ils font aussi des aménagements sportifs, ils ont compris l’intérêt de laisser une place aux personnes qui sont passionnées par quelque chose : l’art, la musique, le sport… Ma fille a été dans cette école pour le tennis. Ils m’ont parlé du projet car ils avaient des demandes pour l’équitation. Ça m’a fait réfléchir, j’avais envie de créer une académie depuis longtemps.

En quoi ce projet est-il novateur ?

Parallèlement à l’école, les enfants viennent s’entraîner tous les après-midi. L’école les amène en début d’après-midi, ils montent à cheval, et ils repartent dormir à l’école. Nous leur avons aussi proposé de mettre en place un système où les élèves peuvent passer le bac en deux ans de façon à échelonner la charge de travail. Si vous aimez votre sport, vous devez avoir du temps pour les entraînements. Mais si vous consacrez la majeure partie de votre temps à l’entraînement, vous délaissez l’école. C’est un schéma parfait pour les enfants qui souhaitent monter à cheval tout en ayant un bagage scolaire, sachant parler plusieurs langues. Nous avons commencé à collaborer avec l’IBS, mais nous accueillons aujourd’hui des élèves de différentes écoles. L’académie est vraiment ouverte à tout le monde, c’est une vraie forme d’adaptation. Nous souhaitons que les personnes puissent aller plus loin que le simple fait de monter à cheval. Vous savez, ce n’est pas parce que vous allez mettre des milliards d’euros dans les chevaux que vous allez être bon. Nous voulons les aider à se perfectionner, transmettre les valeurs du travail car la réussite ce n’est pas seulement du hasard et de la chance.

Êtes-vous accompagné pour la conception et l’animation ?

Oui. J’ai choisi un jeune cavalier. Il veut aller de l’avant, il a de bonnes performances et un certain métier. Je vais bien évidemment donner des cours, c’est vraiment une histoire de relai entre l’élève, lui et moi. Si l’élève a déjà son coach, il peut venir avec. Finalement, c’est lui qui a le rôle le plus important, je pense même qu’il devrait d’abord venir sans son élève. Eugénie Angot est la marraine de l’académie. Elle adhère au projet, c’est un soutien. Une fois que tout sera en route, je ferai aussi venir quelqu’un pour qui j’ai de l’estime et du respect. Un nom, un champion, qui viendra passer deux jours, donner une clinique. J’ai demandé à Nelson Pessoa, Jeroen Dubbeldam, … Je veux que les élèves rencontrent des gens avec des valeurs, qu’ils comprennent comment ils ont réussi. Je veux qu’ils entendent Dubbeldam dire qu’il faut monter tous les jours sans étriers pendant cinq, dix minutes, qu’il est important de bien choisir ses programmes… C’est tout aussi important qu’un cours d’une heure. Prenez Simon par exemple, il a pris de la hauteur ces dernières années, il a fait des progrès énormes ! Être dans le top dix mondial ce n’est pas rien, il faut l’assumer. Moi ce n’est pas les résultats qui m’intéressent, c’est le chemin parcouru. L’autre jour, j’étais au paddock à sept heures moins cinq. Il y en avait deux en carrière, lui et Kevin.

D’ailleurs, Eugénie a un sacré parcours… Quelle femme remarquable !

Oui. Eugénie est une de mes anciennes élèves, elle a beaucoup de bons résultats. C’est une championne avec un parcours exemplaire. C’est la fille de Michel Legrand, elle pouvait avoir tout ce qu’elle voulait, la célébrité y compris. Et bah non ! Elle a travaillé, pas par pas. Elle a vendu ses chevaux, en a reconstruit d’autres…

Crédits : Gilles Bertran de Balanda & Crocus Graverie - © PSV
Crédits : Gilles Bertran de Balanda & Crocus Graverie – © PSV

Pouvons-nous dire que l’académie va plus loin qu’un simple enseignement, qu’elle tend plus vers la transmission et le partage ? 

Complètement ! L’académie est ouverte à tout le monde, ce n’est pas que du haut niveau. Il faut venir avec un beau projet, et surtout l’envie. Ceux qui seront là pour le haut niveau, on les accompagnera. Mais il y en a plein qui ne le seront pas, mais mon but c’est d’aider les élèves à se perfectionner et à avancer dans leur passion, avec une vraie préparation mentale. Je veux essayer de faire sortir le meilleur de chacun : chacun a son projet, et nous, nous sommes là pour l’aider à atteindre ses objectifs, quels qu’ils soient.

Vous semblez être très impliqué… Pouvons-nous parler d’éducation et de philosophie ?

Oui je pense. Les gens qui s’inscrivent à l’académie viennent pour passer des caps. Comme une nouvelle étape de travail, pour aller plus loin. Après il y a des moments vraiment compliqués. Sacrifices, concessions, on y laisse des plumes à un moment. Ce n’est pas rien d’être dans le haut niveau. Dans notre sport, si on ne veut pas faire du haut niveau, on peut aussi avoir un bonheur incroyable en montant correctement à cheval. C’est magnifique ! On peut être préparateur de jeunes chevaux. À soixante six ans, c’est ce que je fais. Plus de haut niveau pour moi, place aux jeunes !

« Je suis persuadé que tout le monde a quelque chose, un truc, même ceux qui ne sont pas forcément doués. »

Essayez-vous de déclencher des choses dans la tête des cavaliers ?

Oui, j’essaie. J’ai un principe car j’ai été éduqué comme-ça. Je pense que tout le monde a quelque chose en soi, mais certaines personnes ne le savent pas. Certains ont du talent et l’ignorent. Puis il y a ceux qui ont le talent qui se remarque, et c’est d’ailleurs les seuls que nous voyons. Je suis persuadé que tout le monde a quelque chose, un truc, même ceux qui ne sont pas forcément doués. Puis d’autres ont des blocages, des peurs, des craintes, pas sûr de soi, trop sûr de soi, le doute… C’est très français ! Mais au final, on est toujours en dessous, ou alors au dessus. Mais en revanche, il y a un certain état d’esprit à avoir. Il faut être ambitieux pour réussir, mais ne pas être prétentieux. Il faut être ambitieux et humble. C’est le secret de la réussite. Cet équilibre, c’est le plus difficile à trouver. À mon époque, on se fichait des bons et mauvais chevaux. On apprenait d’abord à monter à cheval ! Mon père avait acheté un pur sang, et c’est mon frère, ma sœur et moi qui le montions. Un cheval pour quatre, et il fallait se démmerder avec ça ! C’est comme quand vous entendez Nadal parler de ses débuts avec son oncle, il y a une transmission dans ces choses-là…

Vous faites beaucoup référence au tennis, vous inspirez-vous d’autres milieux sportifs pour nourrir votre vision du monde équestre ? 

Oui, le tennis est un sport merveilleux ! Ce n’est pas du tout le même que le nôtre. Nous, on est seuls, on fait avec sa performance. Le tennis, c’est un sport de combat, avec un respect de l’adversaire que l’on peut comparer au respect du cheval. Au tennis, ce n’est jamais perdu, jamais gagné ! Nous… Avec un quatre points sur le deux, c’est vite perdu. Après, le tennis ou un autre sport, le haut niveau est partout pareil. Dans l’état d’esprit, je m’intéresse aux réflexions des grands champions. J’adore. Je me rends compte qu’ils ont tous une discipline, une manière d’être et un état d’esprit.

Et selon vous, y a-t-il d’autres similitudes dans les sports de haut niveau ?

Oui. La détermination et l’humilité surtout. Pour moi, le grand champion ce n’est pas celui qui réussit tout. C’est celui qui se sort de toute situation, celui qui se remet. Vous sortez de piste avec un score lourd, d’un tournoi où vous vous êtes fait tendre… Il sait encaisser les défaites comme il sait encaisser les victoires. Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, mais on apprend beaucoup plus lorsqu’on perd.

Cette idée d’avancer avec une vision à 360 degrès, de prendre le meilleur de ce qu’il y a à prendre 

Oui, voilà… Mais c’est pareil pour tout, non ?

 Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite ?

J’aimerais que les gens soient contents d’être passés par là. J’aimerais les entendre dire « Tiens, j’ai appris ça et ça », « ça m’a permis de passer un cap, d’avoir confiance en moi ». J’aimerais que chacun ait conscience : celui qui est doué mais qui ne le sait pas, il faut qu’il en prenne conscience. Celui qui est doué mais qui n’y arrive pas, il faut qu’il prenne conscience qu’il faut travailler. Ce que j’ai pu faire dans ma carrière, de bien ou de pas bien, je voudrais que ça puisse être transmis… Non parce que bon, des conneries, j’en ai fait un paquet ! J’aimerais les aider à trouver un équilibre.

Crédits : © Balanda Equestrian Academy - Collection Privée
Crédits : © Balanda Equestrian Academy – Collection Privée

Le cavalier bleu remercie Gilles Bertran de Balanda pour son temps et son intérêt, et lui souhaite le meilleur à venir. Retrouvez la Balanda Equestrian Academy sur le site officiel, Facebook et YouTube.

Interview écrite & réalisée par Andy Chansel

Posted by:Andy Chansel

Fondateur du site Lecavalierbleu.fr. Cavalier passionné aux obsessions éclectiques.

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